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par Ema » 18 mai 2020 11:39
Cher Damien,
Je t'aime bien mais sur ce coup là, je ne te suivrai pas. Pour tout un tas de raisons éminemment subjectives, je ne peux pas aller à Paris. J'entends crier ici ou là que tu aurais sombré dans le jacobinisme. Comme je t'aime bien, je préfère émettre l'hypothèse qu'il ne s'agit là que de realpolitik économique, ce qui n'est pas moins triste, j'en conviens.
Je comprends ta démarche qui a le mérite de montrer haut et fort que l'art, à défaut de prix, a un coût. Tu veux vivre de ton art ? Qui pourrait t'en vouloir. Toute peine mérite salaire, et il n'y a que des imbéciles pour croire les fats clamant l'illumination artistique et que la création ne s'accompagne pas de peine. J'imagine que tu as budgété le coût de ton projet. Et tu nous demandes, à nous qui t'écoutons, dont tu sais souvent sublimer les états d'âme en chansons qui accompagnent notre quotidien, de verser notre écot à ce projet. Du financement participatif en somme.
Or, la liberté a un prix. Intransigeance ou détermination cela fait belle lurette que tu composes sans partenariats, publicités, ou BigLabels pour avancer la trésorerie. Restent toi et nous. Et un projet artistique ambitieux à financer. Il ne m'appartient pas d'en juger la valeur et, si ton projet aboutit, ce que je souhaite, ton CD rejoindra les autres sur mes étagères. Mais sans doute je ne t'aime pas suffisamment pour financer un concert auquel je ne peux assister....
Par ailleurs, je comprends le sentiment de déception voire de trahison que certains expriment sur les réseaux sociaux. Ce projet, tu le montes à partir d'une donnée économique. Tu dis : « j'ai besoin de tant pour faire ces concerts là. ». Le hic, c'est que, a priori -il faudrait demander à Mélie d'établir des statistiques fiables- peu de CSP+ constituent ton public. Donc, une partie de ce public, ton public, est renvoyée à sa petitesse économique, sauf à arbitrer entre d'autres projets. Bref, tu exposes ce public à ses limites, tu lui demandes de se priver pour toi et, non, Damien, parfois l'amour ne suffit pas.
Le jeu en vaut-il la chandelle ? Je ne sais pas. Ce que je sais par contre, c'est que la liberté se paie. Puissent donc tes revendications d'indépendance ne pas sonner auprès de ton public telles les trompettes de Jéricho.