Ni dieu ni maitre, l'analyse.

Modérateur : maître charpentier

gavroche_greyjoy
Messages : 254
Inscription : 08 nov. 2019 18:22

Ni dieu ni maitre, l'analyse.

Message par gavroche_greyjoy » 16 janv. 2022 23:45

Ni dieu ni maitre, l'analyse.


A. UNE OEUVRE EMINEMMENT POLITIQUE

Dans son oeuvre, Damien Saez opère une critique explicite des gouvernements, des politiques, en les nommant parfois.
Dans mon Europeenne "elle est pas Merkel ou Hollande, c'est pas la valse des propagandes". Dans Manu dans l'cul "allez casse toi Manu, je crois bien que Brigitte elle va chialer".

Saez dénonce aussi leurs agissements. Agissements économiques dans camarade président "camarade président du peuple impot facture, non me dis pas que ça va pour la Secu c'est sur, camarade président, cinq millions de chomeurs". Agissements anti-démocratiques dans l'enfant de France "l'état de droit virant état du roi". Ou les deux à fois dans je suis "je suis la dictature ici, du roi pognon dans mon pays".
Dans plusieurs chansons, Saez évoque la répression des gouvernants contre les ouvriers. Dans l'enfant de France "toujours la répression des ouvrières en sang", dans ma populaire "sont bons qu'à mettre des coups de matraques, sur des manifs d'ouvriers", dans Manu dans l'cul "les gouvernances aiment bien taper, oui, sur des manifs d'ouvriers", ou dans Liberté "quelles que soient les gouvernances qui aiment bien matraquer l'ouvrier".

En parallèle de cette description péjorative des politiques, Saez propose un projet : la Révolution. Dans mon terroriste "la guillotine au ministère puisque il parait faut faire la guerre, au terrorisme". Dans Mandela "qu'est ce qu'on attend pour les révolutions, que l'oiseau dans le vent retrouve l'horizon". Dans Liberté "un jour le sang sur les trottoirs sera celui des gouvernances, tristesse a dire mais les pouvoirs ne sont fait que pour la potence". Enfin, dans l'enfant de France "il faut tuer les rois, les rois de la gangrène".


B. RACONTER L'EPOQUE

Dans de nombreuses chansons qui composent cette oeuvre, Saez nous décrit avec pertinence l'époque dans laquelle nous vivons. Plusieurs éléments sont à noter.

L'importance des réseaux sociaux, dans je suis "moi j'ai pas Twitter, moi j'ai pas de followers" ou dans l'enfant de France "des esclaves de Facebook, des esclaves du pognon"
Les attentats sont evoqués dans les enfants paradis "à l'innocent qu'on tue, oui tombé sous les balles" et dans tous les gamins du monde "ce n'est pas mon pays ce soir qu'on assassine, c'est l'histoire de l'homme c'est Pierrot c'est Colombine"
Les footballeurs vus comme des héros dans camarade président "quand on attend de ceux-là qui poussent un ballon, de porter le drapeau, de porter la nation".
Les influenceurs idolatrés dans j'envoie "j'envoie mes selfies suicidaires, j'envoie sûr à la terre entière" et dans p'tite pute "je signe des autographes aux gamines sans cerveaux"
La baisse de la culture générale dans je suis "je suis des millions de parvenus, qui savent pas qui sont les Poilus"
La guerre en Syrie dans Mandela "les sanglots d'Alep"
Les mouvement sociaux de ces dernieres années sont aussi racontés, référence aux gilets jaunes dans la province "elle a le coeur maquis, du gilet résistant" ainsi qu'aux différentes émeutes, dans l'enfant de france "sont bien tristes aujourd'hui, les rues de ma France" et dans Libre "pourquoi ca sent le souffre qui monte aux barricades".
La misère sociale a aussi sa place dans l'album, avec manu dans l'cul "qui crèvent la gueule au fond des chiottes, qui galèrent pour s'acheter des clopes".
Dans je suis, Saez nous parle de la propagande médiatique "merci beaucoup le roi média, tant que ca fait vendre dans les choux gras"
La nostalgie d'une époque qui n'existe plus est chantée dans jojo "c'est un peu quand les gens s'embrassaient sur du rock"
L'hégémonie de la langue anglaise dans la province "de ces tristes Paris qui se rêvent en London, qui se rêvent Amérique et qui pensent que freedom sonne mieux que liberté"
Dans cette même chanson, le racisme bien trop fréquent est aussi évoqué "et si toujours se pointent les discours pourritures, pour virer les pédés, les blacks"

Cette longue analyse de l'époque permet à Saez d'esquisser un avenir assez sombre dans Humanité "nous mettrons du goudron aux ailes des goelands, sur des lits de pognon dormiront nos enfants"


C. SUBLIMER LE DESESPOIR

Réussir à donner de la beauté là où le desespoir règne, est l'une des clés centrales de cet album de Damien Saez.

D'abord, le desespoir engendré par les relations amoureuses. Dans la Maria "avec mes fleurs à la main, avec le diable au corps, alors j'ai attendu, la maria elle est pas venue". Dans Petrushka "j'ai le coeur au goulag". Dans à tes côtés "moi j'irai au bout du monde pour te chercher". Dans Ma magnifique "de mes sanglots elle fait le vin, comme une ivresse vous prend la main".
Desespoir aussi chez un père arraché à son enfant, dans ma gueule "dis toi que t'es pas la seule, et que moi aussi là bas, il n'est pas une seconde, où je ne pense à toi".
Desespoir chez une femme abimée par la vie, dans germaine "y a son coeur qui bat quand elle est trop bourrée, quand elle te prend par le bras, juste pour aller danser, elle a les yeux d'un roi, la reine des écorchés".
Desespoir chez un homme malheureux, dans lulu "t'es beau quand tu chiales, oublie ce que que je t'ai dit, t'as raison d'avoir mal".
Desespoir face à la vieillesse, dans ma vieille "avec ses mains flétries, avec ses pieds pourris".
Desespoir à l'approche imminente de la mort dans il s'endort "il regarde le temps qui coule doucement, qui a coulé si vite qu'on a pas eu le temps".
Desespoir d'un galérien criant sa peine devant Notre-Dame, dans Notre-Dame mélancolie "tu sais ton dieu, tes religions, Notre-Dame je te remercie de ne plus y faire allusion, ah ca pour faire mourir les coeurs, puis pour faire mourir les amours".
Desespoir aussi à la vue de Notre-Dame qui se consume, dans la dame en feu "je pleure, je pleure, et mes sanglots peuvent rien contre les flots du ciel en feu".

Enfin, Damien Saez chante aussi son propre désespoir dans s'ils ont eu raison de nous "si j'ai plus la force à chanter, si j'ai la force qu'à pleurer, si j'ai plus rien à dire tu sais, que de la meute, faut s'isoler".


D. LA LIBERTÉ DU DISCOURS

Tout au long de l'album, plusieurs paroles peuvent paraitre contradictoires entre elles.

Saez dénonce l'obscurantisme dans tous les gamins du monde "ici ça fait longtemps qu'on brule plus les livres, des violences enfants de nos societes malades, de nos arts pris sous les terreurs des fusillades"
Mais dans Liberté, il defend un certain chaos, un certain nihilisme "si les médias sont leurs capots, alors faut bruler les médias", pareil dans ma populaire "elle, elle dit qu'il faut tout cramer"
Saez semble hostile aux signes religieux ostensibles. Dans Mandela, critique du voile "quand y a plus de bons dieux pour vous voiler la face" et moqueries acides dans Burqa "moi je dis les moches en burqa, et puis les bonnes en bikini". Pourtant, le signe religieux le dérange moins dans nonne ou putain "qu'elle soit voilée ou devêtue, que je t'aime".
Sur la sexualité, Saez montre un coté moraliste dans mon terroriste "la pornocratie à tout bord, qui me terrorise" et dans je suis "les pornos pour les CP". Mais un visage épicurien et donc bien moins moraliste apparait dans la maria "quand elle montre ses seins à tous les bars du port", dans ma religieuse "tu sais dans mon église à moi, la religion c'est le plan à trois" et dans Bonnie "bonnie dans le cul".
Saez peut être très virulent envers la femme, dans p'tite pute "j'suis qu'une petite michto dans le caniveau" mais très élogieux dans nonne ou putain "puisque la femme est Dieu sur Terre".
Certaines paroles pourraient être considerées comme homophobes, notamment dans manu dans l'cul "et le politique encule son peuple". Mais dans anatoline, Saez chante un véritable plaidoyer contre l'homophobie "j'emmerde leurs betises, puis leurs bienséances, j'emmerde leurs bons dieux puisque j'ai l'innocence, d'aimer à coeur ouvert le meme sexe que moi"
Saez dénonce la vulgarité dans camarade président "on laisse parler la violence du vulgaire", mais l'utilise lui-même dans manu dans l'cul "c'est sûr quand on va passer te voir salope"
Concernant le peuple, Saez peut le dénigrer, comme dans l'humaniste "quels que soient les peuples imbéciles" ou bien le glorifier comme dans liberté "puisque du peuple sera la sève, la plus belle huile de l'horizon"

En réalité, Damien Saez est un artiste complexe, nuancé, mais pas contradictoire. Il refuse simplement d'être assigné à une case, et a toujours eu une ligne claire : garder sa liberté dans le discours tenu et dans le choix des mots.


E. PLUIE D'HOMMAGES

On peut remarquer que ce quadruple album est composé de nombreux hommages.

Hommage d'abord aux grands noms qui ont marqué l'Histoire. Dans mandela "il y a Martin Luther King, il y a Mandela, il y a Rodney King, il y a Che Guevara, sûr qu'il y a Lady Di, puis mère Teresa". Dans Jojo, sans tous les citer "c'est un peu Barbara...c'est un peu de Gabin... c'est un peu de Bardot... on a tous dans nos coeurs quelque chose de Johnny". Dans les enfants paradis "toi mon pays Vinci, toi mon pays Voltaire".
Damien Saez chante également un bel hommage aux victimes des attentats. Dans tous les gamins du monde "A Cabu, à Tignous, à Charb, à Wolinski" et dans les enfants paradis "ils étaient fils d'Orient ou fils de l'Occident, enfants du paradis, enfants du Bataclan".
Hommage également à ces campagnards souvent oubliés, dans la province "de l'Ardèche aux Ardennes, jusqu'au fond de l'Ariège".
Hommage aux révoltés dans Contestataire "Toi tous les jours contre bêtise, toi le sourire pour nos enfants" et dans ma populaire "elle a le migrant dans la peau, elle a le coeur du sans papier".
Hommage aussi à Christophe Dettinger, le boxeur qui s'était battu contre des policiers lors d'une manifestation de gilets jaunes, dans l'enfant de France "je serai le boxeur, qui face aux matraqueurs, dépositaires du droit, oui de frapper les soeurs et frères de mon pays"
Hommage à une célèbre victime des violences policières dans mandela "il y a dans ma mémoire Malik Oussekine"
Hommage plus intime, concernant le grand-père de l'artiste lui-même dans Mohamed "il avait fait trois guerres pour finir à l'usine, l'écorce populaire qui vous marque l'échine, les camps d'Allemagne, et puis les tristes de l'Indochine, retour au pays, puis la guerre d'Algérie".
Enfin, Saez délivre un dernier hommage vibrant à tous ses admirateurs, à tous ceux qui ont fait et qui feront encore un bout de chemin avec lui, dans s'ils ont eu raison de nous "je vous garderai toujours, comme on garde un premier amour, toujours moi je garderai, oui votre amour à tout jamais".



En conclusion, Ni dieu ni maitre est une oeuvre profonde de sens et qui mériterait je l'espère un jour plus de visibilité dans ce pays, tellement son contenu contraste avec le néant qui a lieu bien trop souvent tout autour de nous.
à ces âmes éclairées qui n'ont pour seule violence, que les larmes à leurs yeux en tambour

Répondre