Re: Bandes Dessinées
Publié : 18 févr. 2022 11:27
Amalia, Aude Picault, 145p
Amalia est une « team leader » souple et zélée qui échange ses compétences intellectuelles et sa capacité à suivre des consignes pour l’entreprise Horizon Gestion. Elle donne toute satisfaction à l’entreprise qui « lui en demande beaucoup, c’est vrai, mais parce qu’elle peut beaucoup. »
Elle est la maman presque parfaite de Lili, qui en a un peu marre que sa maman la récupère en retard à l’école et de se faire crier dessus quand elle fait un peu le bazar dans sa maison si parfaitement ordonnée. Lili lui dit, d’ailleurs : « c’est pas bien de crier sur les enfants. »
Elle vit avec Karim, le père de Lili. Karim travaille dans une boulangerie industrielle. Karim est pas bileux. Tout est normal dans son monde car tout est sous contrôle. La pâte ne supporte pas le process industrielle, c’est pas grave, y’a qu’à ajouter des améliorants. Y paraît que le blé est en train de tomber malade, c’est pas grave, « faut relativiser, chaque année le blé est malade et ils trouvent toujours la soluce ». Karim le reconnaît : « je fais confiance au système, c’est tout. »
La maisonnée accueille enfin Nora, la fille que Karim a eu avec sa première compagne. Nora a 17 ans et est un peu paumée. Pendant des années, elle a suivi « Kaela » auto-proclamée influenceuse. Faut dire que la vie de Kaela ça fait quand même plus rêver que ce qu’elle voit autour d’elle. « Je comprends trop pas les adultes. Je vois bien qu’ils ne sont pas heureux…. et ça dure depuis tèèèèèèllement longtemps qu’ils ne s’en rendent même plus compte. Moi je veux vivre une vie trop belle, genre… surtout pas comme celle de mon père ! »
Mais quoi faire ? Un jour Amalia fait un malaise. Le médecin diagnostique une « intolérance au rendement » Il n’y a pas de traitement « C’est à vous d’agir, dit le doc. De comprendre ce qui vous épuise, d’équilibrer la dépense quotidienne d’énergie et le temps de récupération. C’est difficile. Ce n’est pas que médical. C’est philosophique »
Derrière cette prescription qui aurait pu relever du charlatanisme gourouiforme du développement personnel assaisonné d’ayurvédisme de synthèse, se tient un choix de vie. Ralentir. (« Ralentir » est d’ailleurs une autre bd, parue en 2017 que l’on doit à Alexis Horellou et Delphine Le Lay, déjà chroniquée sur feu SL.)
Mais l’exact opposé de ralentir n’est pas accélérer. C’est produire. Ce P. si vital qu’il décide, quand il est brut, du niveau de richesse d’un pays. Comme si production valait civilisation. Produire, « quoi qu’il en coûte », des contenus, des contenants, des informations vraies ou fausses peu importe – ce qui compte est d’être au centre de la toile quitte à faire n’importe quoi, à dire n’importe quoi, à écrire des chansons toujours plus nombreuses mais toujours plus mièvres pour ne -surtout pas !- être mis de côté, invisibilisé. Produire. Le déversoir de créations humaines dont il restera si peu à notre fin.
Cette BD, sous son trait rond, léger et ses couleurs pastels nous ramène à notre responsabilité : comment a-t-on pu à ce point déléguer nos vies à ceux-là mêmes qui les utilisent ?
Loin d’être plombante ou culpabilisante, une BD qui ouvre des perspectives. Il est temps.
Amalia est une « team leader » souple et zélée qui échange ses compétences intellectuelles et sa capacité à suivre des consignes pour l’entreprise Horizon Gestion. Elle donne toute satisfaction à l’entreprise qui « lui en demande beaucoup, c’est vrai, mais parce qu’elle peut beaucoup. »
Elle est la maman presque parfaite de Lili, qui en a un peu marre que sa maman la récupère en retard à l’école et de se faire crier dessus quand elle fait un peu le bazar dans sa maison si parfaitement ordonnée. Lili lui dit, d’ailleurs : « c’est pas bien de crier sur les enfants. »
Elle vit avec Karim, le père de Lili. Karim travaille dans une boulangerie industrielle. Karim est pas bileux. Tout est normal dans son monde car tout est sous contrôle. La pâte ne supporte pas le process industrielle, c’est pas grave, y’a qu’à ajouter des améliorants. Y paraît que le blé est en train de tomber malade, c’est pas grave, « faut relativiser, chaque année le blé est malade et ils trouvent toujours la soluce ». Karim le reconnaît : « je fais confiance au système, c’est tout. »
La maisonnée accueille enfin Nora, la fille que Karim a eu avec sa première compagne. Nora a 17 ans et est un peu paumée. Pendant des années, elle a suivi « Kaela » auto-proclamée influenceuse. Faut dire que la vie de Kaela ça fait quand même plus rêver que ce qu’elle voit autour d’elle. « Je comprends trop pas les adultes. Je vois bien qu’ils ne sont pas heureux…. et ça dure depuis tèèèèèèllement longtemps qu’ils ne s’en rendent même plus compte. Moi je veux vivre une vie trop belle, genre… surtout pas comme celle de mon père ! »
Mais quoi faire ? Un jour Amalia fait un malaise. Le médecin diagnostique une « intolérance au rendement » Il n’y a pas de traitement « C’est à vous d’agir, dit le doc. De comprendre ce qui vous épuise, d’équilibrer la dépense quotidienne d’énergie et le temps de récupération. C’est difficile. Ce n’est pas que médical. C’est philosophique »
Derrière cette prescription qui aurait pu relever du charlatanisme gourouiforme du développement personnel assaisonné d’ayurvédisme de synthèse, se tient un choix de vie. Ralentir. (« Ralentir » est d’ailleurs une autre bd, parue en 2017 que l’on doit à Alexis Horellou et Delphine Le Lay, déjà chroniquée sur feu SL.)
Mais l’exact opposé de ralentir n’est pas accélérer. C’est produire. Ce P. si vital qu’il décide, quand il est brut, du niveau de richesse d’un pays. Comme si production valait civilisation. Produire, « quoi qu’il en coûte », des contenus, des contenants, des informations vraies ou fausses peu importe – ce qui compte est d’être au centre de la toile quitte à faire n’importe quoi, à dire n’importe quoi, à écrire des chansons toujours plus nombreuses mais toujours plus mièvres pour ne -surtout pas !- être mis de côté, invisibilisé. Produire. Le déversoir de créations humaines dont il restera si peu à notre fin.
Cette BD, sous son trait rond, léger et ses couleurs pastels nous ramène à notre responsabilité : comment a-t-on pu à ce point déléguer nos vies à ceux-là mêmes qui les utilisent ?
Loin d’être plombante ou culpabilisante, une BD qui ouvre des perspectives. Il est temps.