Pour revoir son programme d'histoire du XXe siècle et mieux comprendre comment les petites gens, elles aussi, ont écrit des libertés qui sont grignotées sur l'autel de la sécurité, quand ce n'est pas celui de la productivité, deux séries : « Louis Ferchot » et « Louis La Guigne »
La série « Louis la Guigne » est sortie entre 1982 et 1997. Scénario : Jean-Paul Dethorey, Dessin : Frank Giroud
La série « Louis Ferchot », qui se penche sur les jeunes années du héros, a été publiée postérieurement, entre 1998 et 2005. Scénario : Dethorey et Giroud. Dessin : Courtois
On peut commencer par l'une ou l'autre voire, même si l'on perd en dramaturgie dans le parcours qui a transformé un jeune ouvrier soucieux de l'ordre en anarchiste au grand cœur, lire celui/ceux dont la période historique intéresse.
Le parti pris des auteurs : saisir cette période charnière du XXe siècle, entre 1910 et 1939, à travers le regard humaniste et révolté de Louis, qui, de simple ouvrier dans une usine automobile, va se trouver propulsé sur trois continents, au gré des évènements politiques et des luttes qu'il va mener seul ou au sein de diverses compagnies anarchistes, révolutionaires ou anti-fascistes contre un système tout entier tendu vers la guerre, ceux qui en tirent profit et la domination des plus faibles. Parce que les hommes font rarement preuve de créativité dans la résolution des problèmes, une série qui donne du grain à moudre à l'aube d'une attendue mais probablement bien fade ère post Covid.
Chronologiquement, les albums abordent les périodes et les thèmes suivants :
Louis Ferchot :
T1 : 1910 : L'économie de guerre se met en place tandis que les travailleurs luttent contre leurs conditions de travail. Le pot de fer contre le pot de terre.
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T2 : 1910 : L'espionnage en vue de réaliser les armes les plus létales s'accroît ; l'ennemi est partout et tout est bon pour le démasquer... ou en créer un qui soit vendable. L'art du mensonge d'état.
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T3 : 1911 : Des cohortes de jeunes gens sont préparés dans des casernes pour se battre contre un ennemi qu'on leur impose. La bêtise ordinaire du plus fort/gradé sur le plus faible.
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T4 : 1912 : Le jeune soldat est envoyé dans un petit poste militaire du Sénégal pour encadrer la population locale contrainte à construire une route pour les colons ; préjugés colonialistes quant aux populations autochtones vite déconstruits par notre héros.
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T5 et T6 : 1913 : Louis est envoyé à Madagascar et découvre les luttes indépendantistes, leur fragilité et leur utilisation par le pouvoir en place.
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T7 et T8 : décembre 1914 – avril 1915 : La mère de Louis n'a pas de nouvelles de son fils envoyé sur le front et elle part à sa recherche ; elle rencontre un homme qui a pris l'identité de son fils. Louis, retenu prisonnier, bénéficie d'un échange de prisonniers et est envoyé sur le champ combattre dans les Dardanelles. Traitement des déserteurs.
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Louis La Guigne :
Intégrale 1 – T1 à T5 – Tour d'Europe
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T1 : 1921 : Après le front et le bagne pour acte de désobéissance en Mer Noire, Louis revient à Paris. Il rencontre un groupe anarchiste tandis que des groupuscules nostalgiques d'un ordre militaire distille dans l'ombre leur poison idéologique.
T2 : 1922-1923 : Il ne fait plus aucun doute pour personne que les comptes de 1919 ne sont pas soldés ; la guerre est une évidence qu'il s'agit de préparer à commencer par le contrôle des espions étrangers.
T3 : 1923 : Louis traverse une Allemagne exsangue et humiliée jusqu'à un Berlin babylonesque comme un ultime pied de nez burlesque face aux montées militaristes xénophobes et liberticides poussant parmi les nostalgiques de la puissance militaire germanique
T4 : novembre 1923 : Premiers meetings antirépublicains de Munich ; comment des intérêts contradictoires ont fusionné pour former le terreau qui mènera au 3e Reich
T5 : 1924 : De Venise à Capri, Louis se trouve embarqué dans une tentative d'assassinat contre Mussolini
Intégrale 2 – T6 à T8 - Amérique
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T6 : 1924 : Louis fuit l'Europe et arrive dans un New York habité par les mafias de la prohibition et le racisme institué en un système qui ne dit pas son nom. Heureusement, il y a les boîtes de jazz.
T7 : 1925 : Après la prison de Sing-Sing à New York, Louis traverse l'Amérique des laissés pour compte, direction La Nouvelle Orléans.
T8 : 1930 : Peut-être le moins politique des albums. Essentiellement, une chasse à l'homme menée par un vieil ennemi de Louis.
Intégrale 3 – T9 à T13 – 36/39 en Espagne et Italie
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T9 : octobre 1936 : La France du Front Populaire ; en parallèle la mise en place d'organisations révolutionnaires à l'échelle internationale.
T10 : automne 1936 : Les échos de la Guerre d'Espagne du point de vue des provinces basques.
T11 : juillet 1937 : Louis est sur le terrain espagnol parmi les républicains contre Franco
T12 : printemps 1939 : Louis infiltre un « camp de regroupement » supposé « accueillir » 500 000 réfugiés espagnols chassés par Franco et que la France ne sait pas quoi faire pour ne pas se mettre les régimes fascistes à dos.
Mon préféré, tant il lève le voile sur un aspect de la guerre que les autorités d'après-guerre se sont très vite dépêché de faire tomber dans les oubliettes.
Préface des auteurs : « Cet album est dédié aux milliers d'internés qui ont souffert et péri dans les camps de concentration de Gurs, du Vernet, d'Argelès, Récébédou, Nexon, Saint-Cyprien et autres « centres d'hébergement » de sinistre mémoire. Il constitue notre hommage à ces femmes, à ces enfants, à ces vieillards et à ces hommes, victimes non pas de la « barbarie nazie » comme l'affirment -là où le temps et la honte n'ont pas gommé le souvenir- des plaques mensongères, mais bel et bien de l'infamie nationale. »
T13 : septembre 1939 : Louis a été chargé par les résistants espagnols de conduire un camion chargé d'or auprès des frères communistes. Mais la signature du pacte de non-agression avec les nazis alors qu'il se trouve en Italie, le gène aux entournures. Il planque le camion et va se mettre au vert en Sicile. Mais là aussi, entre la bêtise fasciste et l'appel de l'argent, tout s'achète. Et c'est sur la disparition de Louis en mer que s'achève cette épopée avec une conclusion pour le moins désabusée des auteurs : « De la rage éphémère et du fracas subit, il ne reste plus rien. »
Souhaitons qu'il n'en soit rien.