Re: Bandes Dessinées
Publié : 10 mars 2020 11:53
Parce que la coronnerie n'a pas de limite, je vais m'obliger à vanter les qualités d'une BD que je ne trouve pas folichonne. Mais aux grands maux les grands remèdes. C'est le cas de le dire. Et ce ne sont pas mes amis transalpins qui me contradieront. Et Manu non plus d'ailleurs.
SOS BONHEUR - Saison 1 parue il y a 30 ans (intégrale de 3 volumes) par VAN HAMME et GRIFFO - Saison 2 (le 2e tome vient de paraître)
par DESBERG et GRIFFO.
[/url]
Voici ce que j'en disais il y a une petite année sur SL :
"SOS BONHEUR
saison 1 par Griffo et Jean Van Hamme – 3 tomes ; Indispensable (parus en 1988 – TRENTE ANS!)
saison 2 par Griffo et Desberg, couleur Florent Daniel – 1 tome (à suivre) ; pourquoi pas
Deux saisons pour un même principe :
- des histoires a priori indépendantes qui se regroupent sur le dernier tome
- une dystopie à la Orwell
La saison 2 a tendance à surfer sur l'actualité :
La réglementation des mœurs tendance Manif pour tous
la peur des étrangers, le fantasme du grand remplacement et de la cause du chômage
la marchandisation de la santé
le mythe de la tolérance zéro
le révisionnisme historique
l'instrumentalisation des médias par le politique
Vu les thèmes, ça aurait pu être sympa : hyper libéralisme économique, suprématisme national, police de la pensée, etc.
Mais le traitement un peu trop manichéen, perd de la hauteur. A vouloir trop démontrer, le récit devient parfois trop prévisible et s'approche parfois de l'anecdotique (oui, être méchant c'est pas gentil) voire de la caricature (comme la police morale incarnée par des barbus en soutane et bekeshes, histoire de ne vexer personne).
De plus, la succession des histoires ne donne pas l'impression d'une organisation sociale dans son tout et les fondements idéologiques de cette société totalitaire restent floues.
D'accord, la nouvelle série permet à Griffo de montrer l'évolution de son dessin, plus dynamique, aux visages plus subtils. Et d'accord, les couleurs de Florent Daniel sont l'une des grandes réussites de cette reprise, tant les ambiances grisâtres, ternes et fades proposées contrastent avec l'obligation au bonheur imposée par cette société.
Mais :
Je conseillerais de se saisir de cette sortie, pour reprendre le 1er cycle, scénarisé par Jean VanHamme (XIII, LargoWinch, Thorgal, Le grand pouvoir du Chninkel,...)
Dans cette série de 3 albums, ce sont les fondements de la démocratie qui sont questionnés à travers 6 histoires. La question fil rouge est:jusqu'à quel point peut-on confier à autrui son propre destin ?
6 thèmes sont traités :
la sécurité de l'emploi (ah ! Avoir l'esprit Corporate!)
la sécurité sanitaire (mangez 5 fruits et légumes par jour!)
les centres de vacances organisées (on n'est pas assez grand pour le faire, … quitte à faire des erreurs?)
la centralisation des données (vous y réfléchirez à deux fois avant de payer avec votre téléphone)
la surpopulation (peut-être la thématique la moins aboutie selon moi)
l'art et le politique (on a vu récemment comment le politique et la morale se sont opposés au droit et la liberté individuelle)
Le traitement narratif qui est proposé est subtil et réserve des surprises, y compris dans le troisième tome, confluence de toutes les histoires et qui propose les conséquences possibles, terribles, de nos veuleries, médiocrités et notre propension à la soumission volontaire.
Si le pouvoir semble avoir changé de main (après tout, céder le pouvoir démocratique à l'ultra-libéralisme sert aussi une forme de pouvoir politique), il peut compter sur notre désir de bonheur individuel pour générer l'enfer dans lequel tant d'entre nous se sentent si bien."
Fin de l'autocitation.
La lecture du Tome 2 de cette saison 2 ne m'a toujours pas plus convaincue.
MAIS. Sans doute ai-je été trop prétentieuse dans mon jugement. Sans doute je me la pète un peu. Car, oui, cette 2e saison n'est pas terrible, ni narrativement ni graphiquement.
RE-MAIS. Ce à quoi nous assistons depuis quelques semaines m'amène à penser que la télécratie a peut-être déjà gagné et qu'il est peut-être trop tard pour chinoiser... Peut-être un certain nombre de cerveaux ne sont déjà plus en mesure de conjuguer le verbe nuancer au présent. Donc, retour à la terre comme dirait Manu (l'autre, celui qui est sympa) avec une série qui met les pieds dans le plat, parce que peut-être à trop finasser, on perd le fil. Alors si cette série n'entrera sûrement pas au Panthéon des grandes oeuvres, elle a, finalement, le mérite de remettre les choses en perspectives.
Et par les temps qui courent, rien que de mettre un -s au mot perspective, est en soi une gageure.
SOS BONHEUR - Saison 1 parue il y a 30 ans (intégrale de 3 volumes) par VAN HAMME et GRIFFO - Saison 2 (le 2e tome vient de paraître)
par DESBERG et GRIFFO.
[/url]
Voici ce que j'en disais il y a une petite année sur SL :
"SOS BONHEUR
saison 1 par Griffo et Jean Van Hamme – 3 tomes ; Indispensable (parus en 1988 – TRENTE ANS!)
saison 2 par Griffo et Desberg, couleur Florent Daniel – 1 tome (à suivre) ; pourquoi pas
Deux saisons pour un même principe :
- des histoires a priori indépendantes qui se regroupent sur le dernier tome
- une dystopie à la Orwell
La saison 2 a tendance à surfer sur l'actualité :
La réglementation des mœurs tendance Manif pour tous
la peur des étrangers, le fantasme du grand remplacement et de la cause du chômage
la marchandisation de la santé
le mythe de la tolérance zéro
le révisionnisme historique
l'instrumentalisation des médias par le politique
Vu les thèmes, ça aurait pu être sympa : hyper libéralisme économique, suprématisme national, police de la pensée, etc.
Mais le traitement un peu trop manichéen, perd de la hauteur. A vouloir trop démontrer, le récit devient parfois trop prévisible et s'approche parfois de l'anecdotique (oui, être méchant c'est pas gentil) voire de la caricature (comme la police morale incarnée par des barbus en soutane et bekeshes, histoire de ne vexer personne).
De plus, la succession des histoires ne donne pas l'impression d'une organisation sociale dans son tout et les fondements idéologiques de cette société totalitaire restent floues.
D'accord, la nouvelle série permet à Griffo de montrer l'évolution de son dessin, plus dynamique, aux visages plus subtils. Et d'accord, les couleurs de Florent Daniel sont l'une des grandes réussites de cette reprise, tant les ambiances grisâtres, ternes et fades proposées contrastent avec l'obligation au bonheur imposée par cette société.
Mais :
Je conseillerais de se saisir de cette sortie, pour reprendre le 1er cycle, scénarisé par Jean VanHamme (XIII, LargoWinch, Thorgal, Le grand pouvoir du Chninkel,...)
Dans cette série de 3 albums, ce sont les fondements de la démocratie qui sont questionnés à travers 6 histoires. La question fil rouge est:jusqu'à quel point peut-on confier à autrui son propre destin ?
6 thèmes sont traités :
la sécurité de l'emploi (ah ! Avoir l'esprit Corporate!)
la sécurité sanitaire (mangez 5 fruits et légumes par jour!)
les centres de vacances organisées (on n'est pas assez grand pour le faire, … quitte à faire des erreurs?)
la centralisation des données (vous y réfléchirez à deux fois avant de payer avec votre téléphone)
la surpopulation (peut-être la thématique la moins aboutie selon moi)
l'art et le politique (on a vu récemment comment le politique et la morale se sont opposés au droit et la liberté individuelle)
Le traitement narratif qui est proposé est subtil et réserve des surprises, y compris dans le troisième tome, confluence de toutes les histoires et qui propose les conséquences possibles, terribles, de nos veuleries, médiocrités et notre propension à la soumission volontaire.
Si le pouvoir semble avoir changé de main (après tout, céder le pouvoir démocratique à l'ultra-libéralisme sert aussi une forme de pouvoir politique), il peut compter sur notre désir de bonheur individuel pour générer l'enfer dans lequel tant d'entre nous se sentent si bien."
Fin de l'autocitation.
La lecture du Tome 2 de cette saison 2 ne m'a toujours pas plus convaincue.
MAIS. Sans doute ai-je été trop prétentieuse dans mon jugement. Sans doute je me la pète un peu. Car, oui, cette 2e saison n'est pas terrible, ni narrativement ni graphiquement.
RE-MAIS. Ce à quoi nous assistons depuis quelques semaines m'amène à penser que la télécratie a peut-être déjà gagné et qu'il est peut-être trop tard pour chinoiser... Peut-être un certain nombre de cerveaux ne sont déjà plus en mesure de conjuguer le verbe nuancer au présent. Donc, retour à la terre comme dirait Manu (l'autre, celui qui est sympa) avec une série qui met les pieds dans le plat, parce que peut-être à trop finasser, on perd le fil. Alors si cette série n'entrera sûrement pas au Panthéon des grandes oeuvres, elle a, finalement, le mérite de remettre les choses en perspectives.
Et par les temps qui courent, rien que de mettre un -s au mot perspective, est en soi une gageure.