Après un éblouissant Tome 1 (voir ci-dessous) Larcenet enfonce le clou sur le thème de l'auteur en panne d'inspiration qui recherche désespérement l'idée du siècle.
Ici, il est à la clinique « Les petits oiseaux joyeux », où entre atelier d'art-thérapie, consultations avec le psychiatre et distributions de Xanax, il va expérimenter diverses voies pour calmer le chaos intérieur qui le consumme.
Ce tome est bien, certes, mais il pêche d'être un suivant. L'effet de surprise n'est plus là, ni sur la composition du récit, ni sur son propos. Reste une prouesse graphique indéniable qui fait écho au petit tirage particulièrement réussi «Confinement en oeuvres » du même auteur (voir topic Confinés).
Heureusement, la fin est une ouverture inattendue et particulièrement excitante vers un Tome 3 que l'on attend avec impatience, conférant à ce tome 2 valeur de transition.
Pour mémoire :
Ema a écrit : ↑31 janv. 2020 11:03Thérapie de groupe, T1 : L'étoile qui danse, Manu Larcenet
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Jean-Eudes de Cageot-Goujon, double autofictionnel de l'auteur, est en pleine crise d'inspiration. « Plus de désir, plus d'exaltation, plus d'envie, plus de désir, plus d'espoir. Ne reste que le tourbillon terrifiant de la sécheresse intellectuelle. Un esprit vain dans un corps gras. Tous les artistes finis vous le diront... Au bout d'un moment, ça vous tape salement sur le système. Un vide abyssal [l]'emplit … (ce qui est un paradoxe.) Puis c'est l'effondrement... la chute. »
Larcenet, c'est le sombre « Rapport de Brodeck » mais aussi l'humour du « Retour à la terre ». Alors pas étonnant que l'on rit beaucoup, beaucoup, alors que, quand même, le propos est vachement sombre....
Mégalo, addict aux médicaments (« si j'aime tant les hôpitaux, c'est surtout parce que c'est là qu'on trouve les meilleurs drogues. Et le plus beau, c'est que tout est gratuit. »), abandonnant à une épouse particulièrement insensible à toute charge mentale, la totalité de la vie domestique, Larcenet, est, objectivement, un gros dépendant pas particulièrement sympathique.
Mais, drôle et noir, débordant d'amour pour sa femme et ses enfants, Larcenet se met à nu, sans pitié pour lui, sans sympathie particulière par rapport aux conséquences de sa crise existentielle sur sa femme et ses enfants.
Larcenet se moque de lui, dans tous les sens du terme. Seule la création compte, quel qu'en soit le prix. Il expose sans pudeur, sans faux-semblant, la mise à mal que nécessite la production d'une idée et sa mise en œuvre. Non artiste, n'est pas un métier de fainéant même si, comme le dit son boucher : « pas d'horaires, pas d'études, pas de clients pénibles, pas d'impôts. Aaah... la vie de bohème... Les fleurs dans les cheveux, l'amour à plusieurs... Rien foutre de ses journées... »
Aux insupportables blanc-becs prétendant avoir écrit leur meilleure chanson sous le coup d'« une inspiration », Larcenet apporte un démenti bienvenu. Non, l'idée ne surgit pas comme par magie dans le cerveau de l'artiste, cet être éthéré connecté avec les muses de la création. Il y a un travail, des recherches, des essais infructueux, des bonnes pistes irréalisables, des mauvaises qui finalement contiennent du bon, et d'autres qui sont des impasses. A ce titre, cette BD est bien plus qu'une histoire d'un auteur en panne, c'est aussi un témoignage de l'intérieur du processus créatif.
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Larcenet se met en scène et dans son chaos intérieur, il expérimente, avec maestria des découpages, des perspectives, des graphismes (les amateurs de mangakas risquent de ne pas apprécier le regard qu'il porte sur cette tentative), des effets de matière intégrés totalement à ses péripéties intérieures.
L'album s'achève sur une certaine prise en charge. On peut s'attendre à ce que le Tome 2 voit Larcenet mette un peu la pagaille dans cette thérapie. Mais qu'il trouve ou non son étoile qui danse, Larcenet a déjà réussi le pari de faire œuvre à partir de son vide intérieur. Quel talent !