Bandes Dessinées

Modérateur : maître charpentier

Ema
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Re: Bandes Dessinées

Message par Ema » 10 mars 2020 11:53

Parce que la coronnerie n'a pas de limite, je vais m'obliger à vanter les qualités d'une BD que je ne trouve pas folichonne. Mais aux grands maux les grands remèdes. C'est le cas de le dire. Et ce ne sont pas mes amis transalpins qui me contradieront. Et Manu non plus d'ailleurs.

SOS BONHEUR - Saison 1 parue il y a 30 ans (intégrale de 3 volumes) par VAN HAMME et GRIFFO - Saison 2 (le 2e tome vient de paraître)
par DESBERG et GRIFFO.
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Voici ce que j'en disais il y a une petite année sur SL :

"SOS BONHEUR
saison 1 par Griffo et Jean Van Hamme – 3 tomes ; Indispensable (parus en 1988 – TRENTE ANS!)
saison 2 par Griffo et Desberg, couleur Florent Daniel – 1 tome (à suivre) ; pourquoi pas

Deux saisons pour un même principe :
- des histoires a priori indépendantes qui se regroupent sur le dernier tome
- une dystopie à la Orwell

La saison 2 a tendance à surfer sur l'actualité :
La réglementation des mœurs tendance Manif pour tous
la peur des étrangers, le fantasme du grand remplacement et de la cause du chômage
la marchandisation de la santé
le mythe de la tolérance zéro
le révisionnisme historique
l'instrumentalisation des médias par le politique
Vu les thèmes, ça aurait pu être sympa : hyper libéralisme économique, suprématisme national, police de la pensée, etc.
Mais le traitement un peu trop manichéen, perd de la hauteur. A vouloir trop démontrer, le récit devient parfois trop prévisible et s'approche parfois de l'anecdotique (oui, être méchant c'est pas gentil) voire de la caricature (comme la police morale incarnée par des barbus en soutane et bekeshes, histoire de ne vexer personne).
De plus, la succession des histoires ne donne pas l'impression d'une organisation sociale dans son tout et les fondements idéologiques de cette société totalitaire restent floues.

D'accord, la nouvelle série permet à Griffo de montrer l'évolution de son dessin, plus dynamique, aux visages plus subtils. Et d'accord, les couleurs de Florent Daniel sont l'une des grandes réussites de cette reprise, tant les ambiances grisâtres, ternes et fades proposées contrastent avec l'obligation au bonheur imposée par cette société.

Mais :

Je conseillerais de se saisir de cette sortie, pour reprendre le 1er cycle, scénarisé par Jean VanHamme (XIII, LargoWinch, Thorgal, Le grand pouvoir du Chninkel,...)
Dans cette série de 3 albums, ce sont les fondements de la démocratie qui sont questionnés à travers 6 histoires. La question fil rouge est:jusqu'à quel point peut-on confier à autrui son propre destin ?

6 thèmes sont traités :
la sécurité de l'emploi (ah ! Avoir l'esprit Corporate!)
la sécurité sanitaire (mangez 5 fruits et légumes par jour!)
les centres de vacances organisées (on n'est pas assez grand pour le faire, … quitte à faire des erreurs?)
la centralisation des données (vous y réfléchirez à deux fois avant de payer avec votre téléphone)
la surpopulation (peut-être la thématique la moins aboutie selon moi)
l'art et le politique (on a vu récemment comment le politique et la morale se sont opposés au droit et la liberté individuelle)

Le traitement narratif qui est proposé est subtil et réserve des surprises, y compris dans le troisième tome, confluence de toutes les histoires et qui propose les conséquences possibles, terribles, de nos veuleries, médiocrités et notre propension à la soumission volontaire.
Si le pouvoir semble avoir changé de main (après tout, céder le pouvoir démocratique à l'ultra-libéralisme sert aussi une forme de pouvoir politique), il peut compter sur notre désir de bonheur individuel pour générer l'enfer dans lequel tant d'entre nous se sentent si bien."
Fin de l'autocitation.

La lecture du Tome 2 de cette saison 2 ne m'a toujours pas plus convaincue.
MAIS. Sans doute ai-je été trop prétentieuse dans mon jugement. Sans doute je me la pète un peu. Car, oui, cette 2e saison n'est pas terrible, ni narrativement ni graphiquement.
RE-MAIS. Ce à quoi nous assistons depuis quelques semaines m'amène à penser que la télécratie a peut-être déjà gagné et qu'il est peut-être trop tard pour chinoiser... Peut-être un certain nombre de cerveaux ne sont déjà plus en mesure de conjuguer le verbe nuancer au présent. Donc, retour à la terre comme dirait Manu (l'autre, celui qui est sympa) avec une série qui met les pieds dans le plat, parce que peut-être à trop finasser, on perd le fil. Alors si cette série n'entrera sûrement pas au Panthéon des grandes oeuvres, elle a, finalement, le mérite de remettre les choses en perspectives.
Et par les temps qui courent, rien que de mettre un -s au mot perspective, est en soi une gageure.

Ema
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Re: Bandes Dessinées

Message par Ema » 18 mars 2020 11:18

Il était une fois en France, Fabien Nury et Sylvain Vallée – intégrale de 6 volumes
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France Info a classé cette saga en première place de son classement des 100 BD indispensables depuis 20 ans. Je n'irai pas jusque là (de toute façon, je suis incapable de faire un classement de quoi que ce soit), mais c'est une BD particulièrement culottée par son choix de héros et qui trouve un écho tout particulier en cette période de « guerre », comme l'a martelé notre cher Manu il y a deux jours, et qui tend à prouver que la Holy Economic War se fout bien du peuple. Tout est bon dans le pognon.

L'histoire : Joseph Joanovici, un orphelin roumain et juif (c'est important), va poser ses valises dans le Paris de l'entre-deux guerres. Petit à petit, encouragé par le saint-esprit guerrier de cette période propice à l'esprit d'entreprise, ses roueries, manipulations et coups de génie vont lui permettre de constituer un empire de la ferraille au service de...

En fait, toute la question est là. Collabo ? Résistant ? Criminel ou héros ? Joseph travaille pour lui et pour sa « famille ». Les autres peuvent crever. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est lui.
Est-il une immonde personne pour autant ? En voilà une autre question. Que doit-on retenir de lui ? D'avoir trahi et envoyé à la mort un certain nombre d'individus ? D'avoir pris tous les risques pour en sauver autant ?
Dans cette société (oups, lapsus, - je voulais dire BD ; je le laisse), où chacun fait ce qu'il peut entre aspirations individuelles et soumission volontaire, où la médiocrité s'accompagne d'amnésie, comment le juger ? Qui peut se prévaloir d'être intrinsèquement bon ? Qui peut prétendre défendre le principe social au détriment ou au bénéfice de sa liberté inviduelle ?

La période que nous traversons devrait amener l'homme à repenser un certain nombre de paradigmes. La société ou l'individu ? Le bien public ou la propriété individuelle ? Le partage des ressources ou l'augmentation des marges ? Mais ne rêvons pas, comme le rappelle cette BD, la Holy Economic War gagnera toujours. « Quand tout sera privé, nous serons privés de tout. », disait kekun. En voici une jolie démonstration.

L'intégrale est disponible moyennant paiement à Amazon de 59€. A vous de voir. On peut aussi attendre la réouverture de votre librairie indépendante (ou pas, on n'en est plus là...) et qui garantit des emplois de proximité et des versements de taxes à l'état pour financer le "plan de sauvetage de l'hôpital" promis le 20 novembre dernier... C'te blague. Juste pour rafraîchir la mémoire à ceux qui parlent de "nos" soignants des trémolos plein la voix : https://blogs.mediapart.fr/laurent-thin ... rs-heureux

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Re: Bandes Dessinées

Message par Ema » 19 mars 2020 19:35

Prends soin de toi, Grégory Mardon
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Parce que j'en ai assez de recevoir des messages de magasins, supermarchés, de ma banque m'intimant, par cette expression impérative, de prendre soin de moi et des miens (sous peine de quoi ? De passer de vache à lait à vache à tuer ? ), voici une jolie histoire qui donne du sens à cette expression.

L'histoire : Achille vient d'emménager dans un appartement à rénover. En arrachant le lino, il aperçoit une lettre que le facteur avait fait malencontreusement glisser dessous. Une lettre des années 70 dans laquelle un certain Tristan Vlanek demandait à Suzanne Cardin, l'ancienne propriétaire aujourd'huit décédée de le rejoindre à Marseille.
Achille sort d'une rupture amoureuse mais il a du mal à l'accepter. Cette lettre le hante. Alors il enfourche sa Vespa et part retrouver ce Tristan Vlanek.

Pourquoi cette BD prend soin de nous :
Parce que c'est un joli road-movie aux couleurs de plus en plus lumineuses à l'approche de la destination. Parce que les paysages que traverse Achille sont judicieusement ramenés à l'essentiel : une lumière, une harmonie, un petit instant de vie tellement banal qu'il en est universel et beau.
Parce que l'humour tendre qui s'en détache fait de cet Achille un mélange subtil et positif de Big Lebowski et de Monsieur Jean et que les cœurs brisés y trouveront frère d'armes.

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Et surtout parce que le choix que fait Achille concernant le dernier message de son amour perdu lui demandant de renoncer et de prendre soin de lui est, dans ces temps d'injonction au bonheur et à la gratitude virtuelle aussi inconsistante que volatile, une jolie ode à la liberté.

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Re: Bandes Dessinées

Message par Ema » 21 mars 2020 22:05

Olive – Tome 1 : Une lune bleue dans la tête, Véro Cazot et Lucy Mazel (4 tomes annoncés)
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Chance ou malchance, cette BD étrange est sortie juste avant Le Grand Confinement. Chance car vous avez du temps pour le lire, malchance parce que, hein, on est d'accord, Amazon, c'est le mal, donc vous êtes obligés d'attendre que notre Juge des Libertés présidentiel vous autorise à sortir pour pouvoir la feuilleter. Et comme vous aurez plus de sous pour l'acheter because, le chômage, ça paie pas, n'en déplaise à Peine y Co. ,ben restera plus que vos yeux pour pleurer et lire avec les yeux mouillés, ça arrange pas la compréhension.
Alors comme j'aime bien les causes perdues, je vais vous présenter cette jolie BD qui en plus, ne fait rien pour être facile à vendre, même si y'a un gros canard jaune (mp : mais sans roulette, parce que y'en a qu'un comme ça et que c'est moi qui l'ai et que je t'aime) qui cointe bien.



L'histoire :
« Olive, 17 ans a une vie intérieure très intense. Elle s'est créé un monde imaginaire qu'elle visite à volonté. » (4e de couv.) Ses camarades la trouvent « complètement tarée » ce qui lui vaut hostilités voire harcèlement. Faut dire qu'elle ne fait pas qu'être « dans la lune » quand les cours l'ennuient. Elle est quasiment en relation continue, comme câblée, avec le monde qu'elle a dans sa tête. Un monde « avec une lune bleue comme de l'encre, indéboulonnable de jour comme de nuit et un immense lac salé, rose comme un bouquet de bougainvilliers. Et autour du lac, vingt-huit blocs de pierre tendre qui montent la garde, dressés comme des menhirs. La maison au début, ce n'était qu'une bulle à moitié remplie d'eau. Au fil du temps, la bulle a grossi avec des ponts et des escaliers-fontaines qui mènent aux différents ilôts de la maison. L'observatoire avec une vue imprenable sur le coucher de lune. Le laboratoire pour créér de quoi se nourrir ou se divertir. Et tout en haut, le rêvarium qui se transforme au grè du temps et de mes envies. »
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Elle a deux amis dans ce monde, Rose, le cétacé volant aux ailes rognées à la naissance ; et Noël, un canard de bain géant qui vole et qui « cointe » beaucoup avec Olive.

Et là, bam ! Deux évènements viennent faire irruption dans sa double vie : la directrice de l'internat lui colle dans les pattes une nouvelle, Charlie, une fille plutôt extravertie, avec laquelle elle est obligée de partager sa chambre jusqu'à ce que ses notes remontent et qu'elle puisse à nouveau avoir une chambre seule. Et voilà t'y pas qu'un spationaute débarque à son insu dans son monde imaginaire. Perdrait-elle le contrôle ?
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Pourquoi c'est bien ?
Parce que voilà une BD unique. Et c'est bien ça aussi son problème. Comment la situer ? C'est censé être jeunesse (prépublié dans Spirou) mais pfuit, mise à part les scènes de lycée, qu'est-ce que c'est dense ! Pour peu que vous vous intéressiez un peu à la psychopathologie, y'a du grain à moudre. Et pour peu que vous aimiez les ambiances poétiques et les personnages complexes et humains (sinon, vous ne seriez sûrement pas sur ce forum ;) ) vous ne pouvez que plonger avec Olive dans son monde.
Monde imaginaire auquel l'utilisation de gouache tout en couleur directe donne de matière et épaisseur. Sûrement pour cela que l'on s'y enfonce avec autant de délectation qu'Olive dans le lit-quide de son rêvarium.


Mais s'enfoncer dans ce monde imaginaire n'est-ce pas le risque de perdre pied avec le réel ?

Les auteurs nous envoûtent dans une atmosphère dangereusement suave tout en distillant de cà de là des petits bouts d'incongruités qui, on s'en doute, finiront par se relier en un tout cohérent afin de répondre aussi à l'énigme présentée en ouverture.
Seul reproche : mais pourquoi diable avoir indiqué les titres des 3 prochains albums !!!! Grrr....

Vous avez adoré le film « Patéma et le monde inversé » ? Vous êtes fan de Makoto Shinkai ? Ce livre est pour vous.

Ema
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Re: Bandes Dessinées

Message par Ema » 22 mars 2020 18:33

Stella, Cyril Bonin
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Hasard du calendrier éditorial, voici une BD également parue en ce mois d'enfermement, mais clairement adulte cette fois, qui traite également, d'une façon plus classique mais très élégante graphiquement, du surgissement de l'imaginaire dans le réel.

L'histoire :
Taylor Davis, ex écrivain à succès est en train de travailler sur un portrait de femme dans les années 50. Dans cette époque où la vie des femmes était tout aussi corsetée que leur joli décolleté pigeonnant et leurs libertés aussi restreintes que leur taille de guêpe, Stella se pose des questions sur son couple, sa vie. Des questions que son écrivain lui insuffle ? Non, non. Ce sont les questions que se pose le personnage Stella dans un échange paranormal avec son auteur. C'est ainsi que peu à peu, à travers l'écriture de son roman, Taylor entreprend une sorte de relation épistolaire, un dialogue dont il est tantôt l'auteur, tantôt le simple secrétaire. Arrivé à une impasse scénaristique, elle le force à mettre fin au roman.
Au matin, Stella est présente en chair et en os dans son salon.

De façon assez paradoxale, ce n'est pas tant l'aspect existentiel, le thème bien classique de la créature qui échappe à son créateur, qui fait tout le charme de cette BD.
C'est d'abord un joli portrait de femme qui cherche à s'affranchir des carcans sociaux. D'abord chose de Taylor et chose de sa condition d'épouse dans l'Amérique des années 50, son arrivée dans notre époque s'accompagne d'une émancipation... avant que celle-ci soit justement la cause de son retour à un enfermement entre quatre murs dont elle ne pourra échapper que par une dématérialisation volontaire.
Dit comme ça, ce n'est pas joyeux. Ce serait sans compter sur le talent de narrateur de Cyril Bonin qui avance à petits pas mais sans lenteur, laissant à ce personnage ô combien éthéré, la possibilité d'inscrire sa marque dans l'histoire de ceux qu'elle touche.
Petit bémol : les 2 dernières pages, épilogue un peu factice et trop conventionnel, nuit à la poésie de l'ensemble. Arrêtez-vous page 98 comme le mot FIN vous le conseille.
En plus, y'a une Debbie qui fait des cookies.

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Re: Bandes Dessinées

Message par Ema » 23 mars 2020 10:46

Alcoolique, Jonathan Ames et Dean Haspiel
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Voici une BD à conseiller à ceux qui sont prêts émotionnellement à laisser parler un alcoolique.

Autobiographie fictionnelle de l'auteur Jonathan Ames, celui-ci évite les écueils de ce type de témoignage. Pas de pathos, pas de narcisse exhibitionniste du type « je suis une merde mais aimez-moi », pas de larmes à gogo « c'est pas ma faute, on m'a pas aimé », pas de « l'alcool, c'est mal », et pas non plus de résilience mercatique qui prétend que s'en prendre plein la gueule ça rend plus fort, vision christique et moraliste se souciant bien peu des effets collatéraux.
S'il n'y a pas ça, il y a quoi dans cette BD ?

Il y a un parcours de dépendant.
Dépendant à l'alcool, à l'amitié exclusive, à l'amour idéal.
Dépendant à un idéal de soi, des autres, idéal nécessairement inatteignable, nécessairement source de déceptions que seuls les paradis artificiels (l'auteur tourne aussi à la coke, à l'héro, à la Marie-Jeanne) allègent un temps.
Dépendant au manque, seul espace de vide et donc de possibles renaissances qui seront à leur tour consumées par le pouvoir illusoire que donne la substance.

Il y a un talent d'écrivain ayant digéré des lectures adolescentes, Bukowski, Kerouac, Hunter S Thompson, Fitzgerald, s'étant rêvé rebelle avant de constater qu'il n'en aurait pas les épaules, désillusion lui ayant ouvert la voie à une écriture où humour délicat et autodérision maîtrisée se parent de va-et-vient chronologiques incroyablement bien articulés et fluides.
Le dessin noir-et-blanc sans esbrouffe de Dean Haspiel matérialise en dégradés gris plus ou moins dilués cette zone où récit intimiste croise la chronique sociale, contribuant à toujours rétablir l'équilibre dans cette vie qui n'en n'a pas.

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L'éditeur, Monsieur Toussaint Louverture, a de plus composé un écrin sobre et classieux à partir « d'un carton brut de 2,4mm, qui lui-même a été sérigraphié, puis cabossé légèrement pour rappeler que la vie ne laisse personne indemne. »

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Re: Bandes Dessinées

Message par __Marine__ » 23 mars 2020 11:44

Coucou,

Dans le coin il est sorti une bd au sujet des algues vertes... Et ici en baie de St Brieuc, c'est vraiment un gros problème. Je n'ai pas encore eu l'occasion de la lire mais je vous laisse cette vidéo à son sujet :

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Et les démons d’antan, à la sueur de mes poings, je combattrai Comme un vieux chêne tient quand l’orage a tout naufragé

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Re: Bandes Dessinées

Message par Ema » 25 mars 2020 13:40

__Marine__ a écrit :
23 mars 2020 11:44
Coucou,
Dans le coin il est sorti une bd au sujet des algues vertes... Et ici en baie de St Brieuc, c'est vraiment un gros problème. Je n'ai pas encore eu l'occasion de la lire mais je vous laisse cette vidéo à son sujet :
Vue dans les rayons mais le dessin ne m'avait vraiment pas plu. Tu nous diras comment c'est ?

Rien à voir : 200 pages de pur plaisir noir pour chasser le blues :
Tyler Cross, Fabien Nury et Brüno
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Avec ce très bon succès public, c'est près de 200 pages d'évasion jouissive qui vont sont proposées. Pour public averti comme on dit.

Tyler Cross n'est pas quelqu'un que l'on souhaite avoir comme ami. Il vous tuera s'il le doit. Braqueur, assassin, homme de main à l'occasion. Sauf qu'il ne faut pas s'y fier. Tout puissant que vous pensez être, il trahira ses donneurs d'ordre s'il le faut, quitte à avoir autant de mafieux que de policiers à ses trousses. Un gangster solitaire donc, qui sait aussi s'associer à qui croise sa route pour quelques milliers de dollars en plus ou pour sauver sa peau. Pas un mec sympa. Pas une brute non plus, mais un truand qui se fond dans le décor nauséabond d'une Amérique des années 50 où tout se corrompt.
Et pourtant. Dans ces 3 polars mâtinés de western, qu'est-ce qu'on s'accroche à lui ! Est-ce du à l'intelligence d'un scénario complexe mais pas confus ou bien l'ambiance hyper-référencée (et revendiquée) du dessin qui fait que l'on a l'impression d'être dans la famille ?
Tyler Cross fait le ménage où il passe, et comme il a tendance à évoluer en eaux troubles, il laisse derrière lui des plages rouges requin et des bayous accueillants, ce qui n'est pas le moindre des paradoxes.

Femme fatale, spirale de violence, gentils sacrificiels, héros solitaire, gros mafieux aux QI de 150 et petites frappes aux colts plus ou moins agiles, flics pourris, déserts et fleuves à traverser, tous les codes du roman noir, du polar, du western, sont joyeusement brassés dans trois histoires indépendantes mais formant une continuité avec leur lot d'apothéoses qui contiennent en elles leur propre rebondissement, mais jamais de façon artificielle.
Le dessin net, précis, allant à l'essentiel et le découpage cinématographique offrant des enchaînements nerveux s'épanouit dans des aplats noirs qui confèrent à ces personnages l'écrin tout en mi-ombres dans lequel ils évoluent le mieux.
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C'est hyper-référencé et pourtant c'est fait sans esbrouffe, signe que toutes les nombreuses lectures et tout autant nombreux films qui vous sont proposés en fin d'albums (vous n'aurez pas assez des 6 semaines de confinement pour tout lire ou tout voir!) ont été compostés pour faire vivre ce personnage tellement typé qu'il en devient hors du commun.

Deux éditions existent : l'une mise en couleur et l'autre en noir-et-blanc. Celle-ci est un peu plus chère mais renforce l'impression que vous évoluez dans un polar des années 50.
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Re: Bandes Dessinées

Message par __Marine__ » 25 mars 2020 14:23

Oui, dès que j'ai les moyens de faire autre chose que faire du "quotidien" :/

(vuivui, je garde ma carte cadeau fnac pour Damien mais chut)
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Et les démons d’antan, à la sueur de mes poings, je combattrai Comme un vieux chêne tient quand l’orage a tout naufragé

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Re: Bandes Dessinées

Message par Ema » 01 avr. 2020 18:57

Hector le Boucher, KolonelChabert
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Depuis les bienvenues vidéos de L214 dénonçant les conditions d'élevage et d'abatage des animaux, nul ne peut plus acheter ses côtelettes d'agneau sans ressentir une once de culpabilité. De plus en plus abandonnent même cette pratique consistant à ingurgiter un morceau d'un animal mort qui fut doué de sensibilité. Il en est même qui refusent d'établir une barrière ontologique entre l'homme et l'animal. Chacun voit.
La BD s'est essayé au végétarisme avec plus ou moins de bonheur.
N'ayant pas pour habitude de parler de ce que je trouve évitable, j'attendais qu'une BD s'empare du sujet de façon intéressante narrativement et graphiquement, mais aussi pertinente dans sa réflexion. Hector Le Boucher coche toutes les cases.

L'histoire : Hector est fils de boucher dans une petite ville normande. Son destin semble tout traçé : il reprendra la boucherie de son père. Après avoir réussi son CAP, il est prêt. Sauf qu'il n'a plus les sous pour s'installer, ce qui l'oblige à revoir ses projets. Un bref passage comme employé à l'abattoir puis sa rencontre avec un artisan de la viande, vont lui (re)mettre le pied à l'étrier boucher. Fin de l'histoire ? Et non ! Mais je ne vous en dis pas plus.

Pourquoi c'est bien ?
A priori, raconter le parcours de vie d'un fils de boucher qui devient boucher à son tour, c'est pas hyper glamour. Rien qu'à l'évoquer, j'ai cette odeur caractéristique de sang froid et de ventilation réfrigérante dans le nez.
Sauf que KolonelChabert fait évoluer son Hector dans une comédie humaine riche en personnages bien trempés qui dessinent en goutte à goutte le destin d'un Hector qui mature autant par l'adhésion que par le rejet de la voie qu'il se trace lui-même. Un homme en mouvement donc.

Le traitement de ce destin tout en finesse, à l'image de l'aspect fluet et fragile du héros, est la grande réussite de cette BD.
Pas de grotesque façon « L'Arche de Néo » qui laisse des zadistes au demeurant fort sympathiques en arrière-plan pour s'intéresser aux états d'âme d'une poule qui refuse d'être genrée au féminin, du hérisson Choupisson (non mais, sérieux, Choupisson, quoi!) héritier d'une lignée "résiliente" (sic! non mais sérieux quoi!) du bitume, et d'un œuf qu'il faut protéger en l'insérant dans la toison d'une brebis vilipendée par ses congénères car elle refuse de courber l'échine. Et parce qu'on est un peu débile, l'une des vaches victimes de l'abattoir porte le numéro 666.
Pas de fable moraliste façon « Epiphania » qui était bien partie dans son premier tome (évoqué sur SL) pour finir en un combat entre des Avengers chimériques d'un côté et des Godzilla mâtinés de Ents et de Géants des Montagnes de l'autre, (qui finalement vont tous devenir gentils, ouf!), laminant l'empathie que le lecteur aurait pu avoir pour ses personnages par un propos antispéciste asséné au marteau-piqueur comme la copie bâclée d'un 1èreL n'ayant pas su s'arrêter avant le paragraphe de trop.
Bon je vous ai fait faire des économies.

Dans Hector, on ne vous dit pas que manger de la viande c'est mal. On ne vous dit que que ne pas manger de la viande c'est mal. On vous prend pour des adultes responsables et ça, c'est cool.
Le récit est plein d'humour et c'est dans cet espace-là que vous pourrez mener votre réflexion.
Hector est-il conditionné tout petit par le rôle que lui laisse son père ? Par les rencontres qu'il fait ? Par sa volonté de se raccrocher à une histoire familiale qui lui a été arrachée par une succession de drames et la méchanceté ?
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Cette histoire s'intéresse au parcours d'un homme qui se trouve évoluer dans cet univers là. A hauteur d'Hector, ç'aurait pu tout aussi bien en être un autre.
C'est ce qui rend ce récit aussi réussi. Il y est davantage question de destin que de macreuse, bien que KolonelChabert ait fait de cet environnement si particulier un tour de force narratif tendre et humoristique à la fois.
Mais l'auteur propose aussi au lecteur de faire, comme Hector, son apprentissage du rapport à la viande, sans manichéisme, tout doucement, au rythme de son évolution.
Une chouette BD qui fait réfléchir et respecte les points de vue. Joli !

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