Nos lectures du moment

Modérateur : maître charpentier

Ema
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Message par Ema » 06 juin 2021 18:36

L'armoire des ombres, Hyam Yared, 207p, 2006, Sabine Wespieser Editeur

C'est marqué « roman » sur la couverture, mais l'intitulé exact devrait être : « portrait(s) ». Des portraits de femmes multiples qui prennent corps dans celui de la narratrice, comédienne d'une pièce sans scénario où elle doit mettre en lumière des ombres pliées dans une grande armoire.
Etrange donc.

Dans un Beyrouth en pleine effervescence politique (tautologie historique ?), ce roman à l'écriture tranchante et résonante comme un glacier sous une aurore boréale, est un hymne à la femme. La femme dans sa multiplicité, celle qui refuse d'endosser l'ombre d'une fonction que l'histoire, la tradition, la religion, la guerre veut/veulent lui donner. Et la femme qui, pour cela, en paie le prix.

C'est Yolla, l'amoureuse de la nuit, des hommes, des parfums, au corps « qui sent le plaisir », un corps de sens, un corps politique, dont les jupes sont un moyen car « si la loi est contre ton sexe, mets ta garde-robe dans ta cause. Que ta séduction soit un moyen, pas une fin, utilise le peu qu'on te laisse après qu'on t'a tout enlevé. Tire ta cervelle de ton vagin s'il le faut. »
C'est Marguerite, la fille du village qui « avait pu se rendre à l'école pour un temps très court. Elle n'avait que six ans lorsqu'elle s'y rendit pour la première fois. Elle avait six ans lorsqu'on la retira », parce que « l'alphabet, ça ne trait pas les chèvres, ça ne fait pas le ménage, encore moins d'enfants. » Alors Marguerite vole au vent, tombe enceinte, perd le fœtus et n'a plus que sa beauté. Elle la vend et devient Greta la rousse.
C'est Léna l'androgyne qui sert l'ivresse depuis qu'elle a 13 ans, Léna, la phobique de la mort, mariée à l'anglais qui l 'a sauvée des tirs d'un sniper. Léna qui « refuse d'être pénétrée. D'être tuée par un sexe, une arme à embrocher la chair », dont « l'idée d'avoir du masculin dans le ventre la rebute ».
C'est Mona qui n'en peut plus d'être la ménagère familiale et le réceptacle à foutre de son mari, qui refuse la énième grossesse qui risque de la tuer déclenchant l'ire de son mari, qui est prête à tout pour un bref instant de liberté que son mari lui fera payer qui «devint de plus en plus violent. Si bien qu'elle ne se rendit pas compte de l'escalade. Il commença par le verbe d'abord. Puis par le geste. Un soir, il la viola. Elle ne fit pas vraiment la différence avec les autres soirs. »

Un roman qui parle des hommes aussi. Des grosses crevures bien sûr et des salauds ordinaires sûrs de leur puissance et des droits que l'histoire, la tradition, la religion, la guerre veut/veulent leur accorder. Des autres aussi, ces hommes qui font ce qu'ils peuvent pour aimer celle(s) qu'ils ont parfois tant de mal à comprendre à défaut de les saisir.

Un roman ? Je ne sais pas. Un texte déconcertant dans sa forme dont l'écriture poétique rend compte de la difficulté à être femme dans une société où le libre-arbitre et le droit d'user de son corps, s'il n'est pas crime d'état, vous condamne tout autant.

Extrait 1 :
« Je suis une doublure. Je n'ai jamais été mariée que du dehors. Tu prenais des photos pour avoir des preuves de moi comme tout le monde. La fille de la voisine, elle, est comme tout le monde. D'ailleurs il n'y a qu'à voir son vagin. Elle s'est fait recoudre trois fois pour avoir un mari. Sa mère n'en pouvait plus de l'emmener chez ce gynécologue discret, un peu véreux qui, moyennant quelque argent, recousait des hymens en toute clandestinité. Il aimait bien se faire appeler le couturier de ces dames, et ne pouvait s'empêcher de sourire chaque fois qu'il les voyait toutes deux dans sa clinique. Il faisait la couture en souriant. En les raccompagnant, il savait qu'elles reviendraient. Jusqu'au jour où il se trompa, car elle finit par tomber sur le bon numéro. Un mâle bien tempéré, qui n'y vit que du feu, trop content d'avoir franchi un chemin qu'il pensait être le premier à forcer. C'est à la tache de sang sur le lit qu'il se prit pour un homme, un vrai. Même le sang nous ment. Tout fier à l'idée d'être le premier, il la demanda en mariage. La mère se fit un plaisir de propager la nouvelle, heureuse qu'elle était à l'idée de ne plus avoir à emmener sa fille chez le gynécologue. Après le vagin, la fille mit son utérus à l'entière disposition de son époux. A deux, ils firent beaucoup d'enfants. La maison était grande. Beaucoup d'espace à remplir. »

Extrait 2 :
« Je ressortais toujours abattue de mes cours de catéchisme. Ma mère ne comptait plus les neuvaines qu'elle égrenait pour mon salut. Il s'en fallait de peu qu'elle ne m'exorcise. Je ne pouvais rien contre le fait d'être femme avec un sexe et des idées. Un corps avec un rêve à l'intérieur. Bien sûr il faut savoir le toucher. Le rêve. Ca se touche. Ca te renvoie l'éternité en pleine gueule. Ca t'étrangle à pleins poumons. »

Un roman (?) inclassable tout en excès parfois à la limite du soutenable que la poésie du verbe rend d'une beauté crue, viscérale.

Ema
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Message par Ema » 04 sept. 2021 22:02

L’île du dernier homme, Bruno de Cessole, 2019, 424p, Albin Michel

L’histoire :
Dans la première partie, on suit Saint-Réal, journaliste spécialiste du Moyen-Orient dans une enquête sur de jeunes français qui partent faire le djihad en Syrie. Saint-Réal, grand amateur de la civilisation arabe, s’intéresse à la question des luttes entre courants religieux depuis la première guerre du Liban. Et en baroudeur d’expérience, il rencontre TOUS ceux qui ont lien avec son sujet, y compris des terroristes recherchés. Mais ne fait-il que collecter des informations ou sympathiserait-il avec les mouvements islamistes ?
Dans la deuxième partie, on suit Déborah, jeune recrue d’un service d’espionnage anglais spécialisé dans le renseignement électronique : écoutes, traçage sur internet, manipulation d’informations, etc. Deborah a la conviction de contribuer à la sécurité de son pays mais est imprégnée d’un idéal de liberté.
Dans la troisième partie, on assiste à la rencontre des deux au cours d’une partie de chasse sur une île un peu perdue au large de l’Ecosse.

Ce qui est bien :
La structure somme toute assez classique qui n’est pas sans rappeler le plan en 3 parties de nos copies de lycée cache bien son jeu. Nulle opposition à l’emporte-pièce ici. On n’est pas dans un James Bond. Pas d’affrontement méchants-gentils. Pas d’angélisme non plus. Juste un regard, visiblement très documenté, sur un pataquès tentaculaire contaminant ceux qui s’y frotte.
Tout y est complexe, mais compréhensible, nuancé, mais pas fade… et un peu désespérant quant à une future embellie. Sous ses faux-airs de thriller, l’auteur nous bringuebale entre Occident et Moyen-Orient, entre services secrets et rédactions journalistiques et la traque de Saint-Réal révèle les interstices troubles où éthique et intérêt convergent.

On regrette juste la métaphore un peu trop filée sur la chasse au cerf et autres animaux sauvages sur d’autres continent et la chasse à … ce que vous voulez (au choix : l’information, l’homme à abattre, la vérité, les terroristes) qui semble enchanter l’écrivain-chasseur mais est un peu lourdingue à la longue, ainsi que l’indispensable scène de c. un peu kitsch.

Extraits :
Sur le danger du moralisme bien-pensant et les charmes d’un monde parfait :
1. « Non seulement Saint-Réal avait trouvé dans la philosophie de Palante [Georges Palante, philosophe de l’individualisme], la justification théorique de ses certitudes et de ses préjugés, mais aussi des prémonitions étonnantes de ce que serait la société près de cent ans plus tard. Ainsi, sa vision du socialisme qui ne doit être ni une religion ni une éthique et qui, s’il se fonde sur le seul altruisme et la seule fraternité, court à sa perte. Ainsi, l’expression de son aversion pour l’odeur de moraline, qui avait envahi le débat public. Ainsi, son pressentiment du danger mortel pour la culture d’une croissante uniformisation intellectuelle et esthétique. Ainsi, son appréhension d’un inéluctable renforcement des pouvoirs de l’Etat et de la société de l’individu, et de l’absence de résistance que rencontrerait cette tyrannie douce… »
2. « Pas plus qu’il ne se reconnaissait dans son pays, Saint-Réal ne se trouvait d’affinités avec des confrères qui ne pensaient qu’en troupeau et ne chassaient qu’en meute. Des moutons qui bêlaient les pauvres slogans de la pensée unique mais qui, à l’occasion, se changeaient en hyènes, traquant avec hargne les déviants et les réfractaires au camp du Bien. Le cercle de la vertu autoproclamée avait banni de la presse toute pensée hétérodoxe. Sous la plume des éditorialistes de tout bord, Saint-Réal ne s’étonnait plus de lire les mêmes commentaires, les mêmes éloges et les mêmes dénonciations. Le plus drôle ou le plus pathétique était que ces gardes-chiourme aux ordres de l’orthodoxie se présentaient comme des parangons d’insoumission. Le comble du conformisme s’avançait sous l’étendard flatteur de la révolte. »

Sur la dualité morale bien-mal qui permet la consolidation des pouvoirs, quels qu’ils soient :
« La Grande-Bretagne comptait au moins trois mille individus susceptibles de commettre un attentat, sans compter les supposés loups solitaires qui se radicalisent sur Internet. Comment, dans ces conditions, prévenir un acte terroriste ? Trop larges étaient les mailles du filet, et Deborah se demandait parfois si son père n’avait pas raison en soutenant que le but occulte des gouvernements occidentaux n’était pas de mettre fin au terrorisme mais de l’utiliser pour accroître le contrôle du pouvoir sur les individus et de restreindre un peu plus les libertés individuelles. Pour leur part, les djihadistes devaient miser là-dessus, escomptant que le renforcement de l’arsenal répressif entraînerait une réaction des citoyens et la déstabilisation des gouvernements, à défaut d’une révolte que la passivité des peuples rendait peu probable. En un sens, il existait peut-être une complicité objective entre les Etats occidentaux et les terroristes islamistes. Les uns avaient besoin d’un ennemi à dénoncer sinon à combattre, pour se maintenir au pouvoir et amplifier le contrôle social. Les autres avaient besoin de mécréants agressifs pour continuer à mobiliser leurs militants et entretenir la flamme du djihad.
[…] Pour expliquer le conflit entre l’Occident et l’islamisme radical, Saint-Réal rejetait la théorie de Samuel Huntington sur le choc des civilisations au profit de deux autres thèses, celle du ressentiment, empruntée à Nietzsche et à Max Scheler, et celle de la rivalité mimétique, élaborée par un certain René Girard[…]. Saint-Réal se référait en outre à un auteur antique, dont elle avait oublié le nom, pour avancer une curieuse idée, celle de la nécessité, pour l’un et l’autre camp, d’entretenir un ennemi. Partant, de ne surtout pas chercher son extermination. »

Ema
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Message par Ema » 31 oct. 2021 19:15

L’héritage d’Esther, Sándor Márai, 1938, 162p, traduit du hongrois par Georges Kassai et Zéno Bianu

Sándor Márai est né dans une époque tourmentée dans un pays tourmenté. Né dans un royaume placé sous tutelle d’un empire, pile poil dans une région qui sera donnée à un troisième pays fabriqué de toutes pièces. Niveau stabilité, on fait mieux. Après la 1ère guerre mondiale et le bordel international que les traités « de paix » créèrent un peu partout à travers le monde, il a le nez creux et s’engage un temps pour les communistes. Le problème de Márai, c’est pas qu’il n’ait jamais su ce qu’il fallait faire, c’est qu’il l’a toujours fait à contre-temps. Donc, quand il y a une purge anti-communistes hongrois, ses parents l’envoient apprendre les lettres allemandes. Puis il va vivre un temps à Paris. Charmé par les promesses de stabilité politique de Horthy, il rentre à Budapest. Il a 28 ans. Il fait bien puisque le régime lui fout à peu près la paix. Il ne le sait pas encore, mais il va en payer le prix. Malgré tout, c’est à ce moment qu’il écrit ses plus grands romans. Il regrette bien un peu que son pays soit en train de virer terre d’asile à nazis, supposés s’opposer aux ursidés russes. Bandes de zozos. Zoïles sont les Z, faut faire faux-bond fissa pour s’assurer une issue de secours. Z’êtes au jus.

Mais bon, du moment qu’on le laisse écrire, jol van!… C’est quand il comprend que son épouse, juive (il avait vraiment le goût du risque), est en danger qu’il se re-exile dans une toute petite ville où sa vie va ressembler quand même beaucoup à ce que vous avez sûrement lu dans La Miséricorde des cœurs de Borbély, suite à ma chronique éclairée et pas du tout longue publiée ici il y a 6 mois.

Après le passage éclair teuton les communistes s’installent pour de bon dans son pays et au début, ils sont plutôt sympa avec Sándor. Après tout, il était communiste quand eux étaient encore au kindergarten, respect !
Oui mais le problème avec Sándor, c’est qu’il avait lu. Des livres, et tout, avec des mots et des idées dedans, des trucs avec des pages à tourner qui obligent les yeux à prendre du temps pour imprimer les caractères dans le cerveau. Et ça, pour un régime totalitaire, c’est dangereux. Vite, fermons les bibliothèques et les lieux de culture en général ! Ca fait trop de gens qui réfléchissent. Et un gens qui réfléchit, c’est chiant. Donc, avant qu’on lui coupe la tête il prend ses jambes à son cou et se barre. On est en 48.
Il finira par s’installer aux Etats-Unis où, il met fin à ses jours en février 89, 8 mois avant la fin de la Hongrie soviétique et la remise en 1990 de la plus haute distinction culturelle hongroise le reconnaissant comme l’un des auteurs hongrois majeurs. La culture à contretemps.

De contre-temps il est aussi question dans ce court roman, longue métaphore d’un pays qui va à vau-l’eau guidé par une idéologie ayant gommé de son vocabulaire la vérité, le raisonnement et l’empathie.

Il y a Esther, une femme entre deux-âges. Elle vit chichement avec sa vieille nounou dans la maison familiale qui fut belle, autrefois, mais qui n’est plus qu’une coquille fonctionnelle offrant un gite sommaire et un couvert tiré du jardin. Esther a aimé Lajos, il y a vingt ans. Et Lajos a aimé Esther mais, ces deux-là sont trop opposés pour avoir trouvé un terrain d’entente et Lajos a épousé la sœur d’Esther. Puis ils sont partis à la grande ville, loin d'Esther.
Face à Esther, il y a Lajos, un manipulateur qui ne recule devant aucun charme ni subterfuge pour obtenir ce qu’il veut, même s’il ne prête aucune valeur à ce qu’il obtient. Après avoir ponctionné à peu près tout le monde, y compris Esther en son temps, Lajos revient au village. Personne n’est dupe. Il vient pour prendre le peu qu’il reste.
Naît un face à face où chacun semble accomplir le destin que la fatalité lui a assigné.

Il y a de la tragédie grecque dans ce duel où l’amour ne fait pas le bonheur, où le mensonge est admis comme pierre angulaire de la prise de décision. Et la deuxième partie du roman tient davantage du théâtre antique que de la chronique ethnographique. On peut également considérer ce roman à l’aune des enjeux psychologiques entre un manipulateur officiel et sa victime supposée. Mais n’oublions pas le contexte. Quoi qu’il en soit, la richesse d’interprétation de ce court roman est là et c’est ce qui fait les grands récits.

Ema
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Message par Ema » 29 déc. 2021 14:22

Seule en sa demeure, Cécile Coulon – 334p

L’histoire : Jura, 19e siècle.
Aimée est une jeune femme dont le destin est tracée. Fille d’un ancien commandant mutilé et d’une mère à son service, elle attend qu’on veuille bien la demander en mariage. Mais la demoiselle aspire à autre chose que la vie de sa mère. Tout en ayant conscience des limites de sa condition de femme, elle ne veut pas vivre la vie étriquée à laquelle on la prépare. L’influence de son cousin Claude avec lequel elle a grandi, un impétueux jeune soldat bouillonnant de se frotter à l’ennemi ? Sûrement.

Alors lorsque Candre, jeune veuf et propriétaire d’un domaine forestier, lui fait sa demande, c’est oui. Ses manières sont si délicates. Il est un peu rasoir, c’est vrai, mais n’est-ce-pas la garantie du respect empreint de religiosité qu’il témoigne pour sa future épouse ?
Aimée emménage donc dans le domaine, régie par Henria, une servante toute dévouée à son maître. Mais dans la routine de sa fonction bourgeoise, Aimée s’entriste. L’ombre de la forêt avoisinante pèse de plus en plus sur le domaine, enferme une Aimée qui n’arrive pas à faire corps ni avec le domaine, ni avec son maître. Candre fait alors venir une professeure de musique.

« Cette nuit-là, Aimée s’endormit les jambes tâchées, draps défaits. Les arbres chuchotèrent jusqu’à l’aube, car tout se passe toujours la nuit, les grands événements se cachent des lumières vives, craignant d’être brûlés. »

Mais en s’ouvrant au plaisir, Aimée s’abandonne aussi aux ombres et les secrets enfouis « sous les feuilles et les branches, dans la terre et les ronces, et cela pour des siècles. »

Pourquoi c’est bien.

D’abord, en toute subjectivité, parce que Cécile Coulon est une femme incroyablement moderne (de Clermont en plus <3, mais là n’est pas le propos), qui sait illuminer la terre et la rapprocher d’une ligne d’horizon pourtant souvent ténue. Une Emily Brontë nouvelle génération.

« La chaleur persista plusieurs jours sur la forêt d’Or avant qu’un vent léger n’enrobe les sapins, ne secoue les feuillages hauts et ne pousse dans le sol insectes et renards. La plus belle des saisons s’abattait sur le domaine : le rouge avait envahi les cimes et les mousses, les joues et les nez, on se couvrirait de linge comme les blaireaux se couvrent de terre, on attendrait que le ciel remonte, telle une voile gonflée, pour sortir de nouveau, et dans la grande maison où chaque chose, à sa place, grinçait, dans ce bouleversement d’automne, Aimée fuyait vers ses rêves, comme une enfant punie. »

Mais surtout parce que son roman est, avant tout, une histoire fichtrement bien construite, ce qui est quand même ce que l’on attend d’un bon roman. L’auteure nous mène par le bout du nez au gré d’une intrigue qui se noue intelligemment au fur et à mesure que les explications apparaissent. Paradoxe ? Non. Car si les pistes se multiplient, elles sont autant d’occasion d’aller gratter plus profond dans des personnages aux doubles réels ou fantasmés par la jeune Aimée.

Il y a du Emma Bovary dans ce personnage de femme aspirant à la délicatesse des mœurs qu’un noble époux pourrait lui apporter. Du Emily Brontë dans ces portraits d’hommes et de femmes qui font au mieux pour trouver leur voie entre passion et tradition. Du Rebecca aussi évidemment dans la trame narrative. Du Chabrol aussi dans le désossage de conventions qui protègent et broient en même temps.
Bref, Cécile Coulon baignent ses racines littéraires dans la nature envahissante, brutale, mystérieuse et désirable qu’elle déploie depuis toujours dans son œuvre.

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caféine
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Re: Nos lectures du moment

Message par caféine » 29 déc. 2021 22:54

Toutes ces lectures me font bien envie Ema....
Mais j'ai des petits moyens et j'achète mes livres chez Emmaüs, donc pas de livre neuf...
Par contre, et je donne l'info pour les fauchés, j'ai découvert que sur le site de la Fnac il y a beaucoup de vendeurs de livres d'occasion, parfois chers, mais si souvent à 0,90 € :D
C'est comme ça que j'achète la plupart de mes bouquins maintenant, et je viens de recevoir 14 livres pour 20 € frais de port inclus, en prenant le même vendeur, le meilleur à mes yeux c'est Momox...
Donc là je découvre avec bonheur Sandro Veronesi et Tonino Benacquista, dont je ferai un résumé quand je saurai écrire aussi bien que toi !!
Et ne me parle pas d'aller emprunter des livres récents à la bibliothèque, j'y ai renoncé depuis longtemps....je mange toujours en lisant et les traces de sauce tomate ou de chocolat, tout le monde n'apprécie pas :lol:
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Tard dans le noir ou presque noir, le noir estima qu'il était tard et cessa de jouer

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Louise_
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Re: Nos lectures du moment

Message par Louise_ » 17 janv. 2022 00:08

"Nous ignorons d'où nous venons, nous ignorons où nous allons. Nous sommes tous des égarés."
Jean d'Ormesson - Guide des égarés

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Eléa
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Re: Nos lectures du moment

Message par Eléa » 27 juil. 2022 02:47

lus récemment (résumés brefs):

Vie et Destin - Vassili Grossman
un gros gros pavé où Grossman ose comparer les atrocités de l'état Stalinien à celui du Reich. les autorités soviétiques de l'époque ont très peu apprécié et le livre fut saisi, interdit mais une copie est sortie d'URSS. J'ai lu des tonnes de romans avec pour arrière plan la deuxième guerre mondiale (au point d'éviter les romans y faisant allusion) mais la description des chambres à gaz de Grossman ça laisse des traces.

Et Pourtant Ils Existent - Thierry Froger
des destins qui s'enlacent, les anrachistes, l'assasin de Jaures, la guerre d'Espagne. Un puzzle intriguant de personnages.

Klara and the Sun - Kazuo Ishiguro
Klara c'est le nom du robot dont le rôle est d'accompagner une adolsecente solitaire. Naïve et ingénue au début du récit, elle apprend vite mais surtout tout robot qu'elle soit elle développe une foi et un humanisme surprenants pour une machine.

The Diceman - Luke Rhinehart (ou plutôt George Cockcroft)
(je viens juste de le finir aujourd'hui celui -là)
Le Dr Rhinehart psychiatre décide un jour de décider de tout en lançant un dé. Livre culte apparemment. un livre fou, plein de scènes érotiques (puisque c'est le dé qui les lui impose) mais aussi de vraies questions sur notre libre arbitre, notre liberté, la religion etc

the House of Fortune - Jessie Barton
(j'en suis à la moitié)
c'est la suite du Miniaturiste, que j'avais vraiment bien aimé. On se retrouve à Amsterdam dans la maison d'Otto, Cornellia et Nella, mais cette fois c'est Théa, la fille de Marin et d'Otto que l'on suit et les petites figurines du miniaturistes réapparaissent. C'est aussi captivant que le premier livre, et un "page turner". (il sera forcément traduit en français bientôt car il n'est paru qu'en juin en GB)

Récit - Boris Pasternak (juste commencè - oui je lis plusieurs livres en même temps)
un livre d'occasion trouvé au hasard, un livre publié en 1958 en France, rien que la préface met l'eau à la bouche. A l'époque Dr Jivago n'avait pas été publié en Russie (puisque interdit) et Pasternak n'était pas encore prix nobel de litérature. je m'attends à être séduite.

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